jeudi 5 juin 2014

Suffisances biliaires. (Mots serpillières.)


n'être pas assez
n'être pas assez
n'être pas assez
n'être pas assez
n'être pas assez
n'être pas assez
n'être pas assez
n'être pas assez
n'être pas assez
leitmotiv d'oreille interne à chaque pas que je marche dans cette ville, le pas enfoncé un peu plus profond que d'ordinaire, voulant atteindre ce qu'il y a juste un peu en dessous du bitume, ce qu'il y a légèrement en dessous de la surface des choses, ce qu'il y a subrepticement en dessous de ce que je parcours chaque jour en superficialité d'asphalte, de mes empreintes d'échecs, de mon allure existentielle mobile qui n'est pas assez.
Les pas « que je marche » plus que marcher, comme si la tête est déjà démembrée, elle longe sous le bitume, entraînant mon corps de faux-semblants à la vue des passant-e-s. (Sans apercevoir-entendre Nège à deux reprises qui m'alpague dans la rue, s'étonnant qu'ai l'air « complètement ailleurs ».)

23:30 est le plus opaque du brouillard. 
Izlé m'y manque comme une passerelle entre le jour et la nuit, un trou dans l'espace-temps, un geste qui s'effrite sans résidus externes. Sentiment de gâchis atmosphérique. J'en fais n'importe quoi, l'oxygène s'absurde lui-même. Il y a une fille croisée un soir qui me dit - comme les gens ne savent dire que la nuit - qu'elle se sent « très intriguée » par moi, à ces paroles trop connues je vois de l'absinthe qui dégueule de ses lèvres, je perçois sa personne comme un épouvantail qui ne dure qu'une saison, j'entends ses mots comme fabriquant un grand toboggan fuyant. Elle ne voit pas que j'enfonce mes mains sous le bitume comme on les glisserait inquiet dans les poches, que sa moindre attirance assure un abandon ; je réalise devant elle m'être tant rendu disponible aux abandons (s'abandonner à l'autre pour qu'il-elle abandonne l'âme en courants d'air) qu'il n'est plus possible d'en rencontrer encore. Que "Le moindre geste" serait de me réaliser « inéluctable et irrécupérable » en l'absence de confiance envers quiconque.

Je ne recherche plus le sommeil avant 4:00, c'est une manoeuvre d'esquive de l'humanité en journée.
Y être inapte, à l'humanité, ne pas parvenir à être une présence diluante aux douleurs qui étranglent les êtres aimés, ne pas non plus s'accommoder de l'éphémère parsemé. Ne plus trouver le sens de donner des bribes vivantes à des bribes humaines au jour le jour, avoir l'impression de multiplier les pièces d'un puzzle sans jamais commencer à l'assembler.

Ai relu la correspondance précieuse eue en 2009 avec l'ancien voisin parisien de pallier et ami de Deleuze, un écrivain d'une actuelle quarantaine d'années, ses éloges envers ma personne (estimant qu'il y avait une vitalité en moi d'une rare finesse, attention et créativité « invitante » ----- chimère ne pouvant être assez ----- , l'attirant ouvertement) et sa sensibilité cultivée et humble, conjuguaient une érotique-de-vie à laquelle je n'ai pourtant pas donné suite, à l'époque de ce radical scepticisme à m'ouvrir à quiconque de troublant, l'intérieur déjà trop nécrosé du passé. Je repense souvent à lui comme un regret doux, il a été une des rares personnes que j'ai connue être mieux que moi déterminé à vivre aussi doucement que pleinement. Il y a 2 ans il m'informait non sans clin d'oeil avoir emménagé amoureux avec un jeune homme Asperger, je me suis senti aussi con qu'heureux pour lui.
Il disait que son amitié avec Deleuze lui avait conséquemment appris. Évidemment. Dans une de ses lettres ses mots anachroniques décrivent les parcours actuels de mes insomnuits, la sculpture du brouillard : « Comprendre ce qu'est un agencement (et quel est le sien), un territoire (mon territoire, ton territoire, l'éventualité d'un territoire commun avec des zones ouvertes, d'autres fermées, des entrées, des sorties, des droits de passages, des sens interdits...) ». Un ami me dit ces jours-ci « te connaissant tu dois en être à des dizaines et dizaines d'élaborations, tu ne dois cesser de réfléchir aux pourquoi et aux comment... », oui. 
Néanmoins.
J'ai déshabillé cent fois mon ego (je le déteste, même nu il s'affuble), changé maintes fois la couleur de mon sang, remis en question chaque question elle-même. Actes mutiques, erratiques [--> presque faux homonyme d' "érotique"]. Mais j'éceuille trop d'incompréhension/s, que j'évite au maximum de charrier de jugements vaseux. Ce fut la conclusion de la CoPilot : il va falloir faire avec l'incompréhensible. Elle a semblé le dire triste, je l'ai reçu éteint.



*


==> Scène psychosomatique considérée du meilleur tragi-comique de la semaine.

La CoPilot, à une trentaine de minutes :
- Et de tout cela vous vous sentez comment, émotivement plutôt qu'intellectuellement ?
- Je... j'ai... envie de vomir...
- Hmm, vous voulez dire que vous ressentez du dégoût ? Que vous... [scrute] Vous n'avez pas l'air d'aller... ah mais vous voulez vraiment vomir ! [court dans la salle d'attente chercher l'ADV]


Autre catégorie tragi-comédienne : https://twitter.com/Celinextenso/status/473913284840943616. (Tiens, y'a du pote mort en photo.)


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