vendredi 24 mai 2013

La fête de la croquette.

MChat est un Phénix à poils argentés, un caïd de l'improbable. La vie ne s'arrêtera jamais (tu m'entends), on peut bien lâcher quelques organes, on sait en faire renaître d'autres avec une joie pudique.
Les jours se paillettent des séances de magnétisme que la nouvelle voisine vient donner les soirs après son travail à MChat. D'une humilité rassurante elle pose ses mains sur le crâne et le ventre du Minus qui ne bouge plus, je ne bouge plus, elle ne bouge plus, le silence opère. La voisine repart sans attendre du merci, les gens silencieux ont assez de douceur en eux pour n'attendre rien d'autre que vivre.

Que vivre soit contagieux.
Que tu m'inocules, que je l'inocule.
Mchat se remet à ronfler en plein accordéon sonore, ça émoustille ; tout se remet à aller très bien là-dedans, là-dehors il va faire soleil. Très bien merci. Le véto dit écarquillé « incroyable... », je dis que tout est à croire. Et à croître.

La vérité est qu'à 16:10 j'ai envie d'endives, que je bois de la tisane de tilleul pour l'ivresse de sa couleur, que je tenais vraiment à ce que le coiffeur me dise combien de fois il s'était malencontreusement coupé les doigts (réponse évasive). 


Que surtout je n'écris pas 3 % des parchemins rédigés sous mes paupières {continuellement battement/battement}, mes canaux limbiques sont obstrués par un quotidien périlleux qui rabâche sa même médiocrité : candidatures, bavures, entretiens, chrétiens, recrutements, assainissements, formations, compressions, licenciements, anéantissements, démissions, contorsions, budget, bidet... Je nage en plein burn-out, d'une discrétion proche de la cryogénie. 

En étant employeur d'équipes d'assistant-e-s de vie je n'aurais jamais pensé à ce point pouvoir observer toutes les facettes de l'ego grignotant des gens appelés « postulants ». Je compte sur les doigts d'une main d'un axolotl les personnes équilibrées ne venant pas postuler pour leur thérapie (l'attente du contre-don et/ou de la rencontre du 3e type, mille fois plus pressantes que le salaire) mais pour mettre en oeuvre de l'autonomie. Alors une grosse overdose au bout de +10 ans de toutes ces personnes qui viennent allègrement pisser dans ma vie. J'ai toujours ironisé qu'en France un-e handi-e est une sorte de pupille de la Nation vu l'assimilation institutionnelle, à vrai dire c'est bien plus une pupille de la défécation. Je veux dire : soit c'est la taule des institutions sans queues ni têtes (...), soit c'est se démerder à domicile avec une enveloppe budgétaire mensuelle à la limite de la légalité/juridiction du travail à devoir survivre en employant (précision : en étant gratuitement DRH et formateur pour les Conseils Généraux) des personnes qui... allez, au plus récent, dixit la candidature d'il y a quelques heures : « j'ai beaucoup le contact auprès de personne qui ont besoin » [il ne faut même plus considérer l'orthographe hein].
Moi j'ai beaucoup épuisé du contact auprès de personne atrophiées de le néocortex. Vouloir argent oui légitime, vouloir façonner ma vie en humanitaire de miroir ah ça caca.

Heureusement toutefois que pendant ce temps...




jeudi 16 mai 2013

Emmené.




Pendant que tu prends l'appel téléphonique je m'éloigne du banc où nous déjeunons, tu essayes toujours de dire bonjour à ton interlocuteur-ice tout en tentant de me retenir à demi-mots et à demi-gestes, commençant tout juste à te douter que tu n'y arriveras jamais. Je crois que c'est ton père qui t'appelle, je me demande ce que tu pourrais lui dire d'avec qui tu es présentement, ce type qui te ressort la même salade composée « un peu sèche » mais aussi te prépare un thermos de café vénéré.
Je vais marcher dans le parc. Je m'enfonce dans les sentiers, lentement en essayant de compter les gravillons qui crépitent de sous mes roues jusque dans mes jambes. Arrêt devant un amas de plusieurs dalles de béton armé ayant été apparemment déterrées et posées « en attendant » entre ces arbres sur la pelouse. Il y a cet amoncellement improbable, les barres d'acier qui sortent comme déchiquetées de plaques de béton elles semblant déchirées, arrachées d'un sol d'entrailles secrètes. C'est très moche, c'est très beau ; c'est toujours pareil : ce qui est moche au final je trouve cela beau. Je regarde hypnotisé ces décombres, ressentant ce truc : j'étais cela il y a encore peu de temps, autant que j'ai encore ces axes d'acier rouillé en moi, j'y pense toujours. Je ne bouge plus, j'observe, les brisures de ciment qui pourraient s'emboîter à mes blessures elles aussi de mortier. Sauf que je n'emboîte pas, je suis debout devant cet entassement qui n'est pas moi, qui n'est plus autant en moi.
Je ne sais pas combien de temps je suis resté planté ainsi. Mais de dos je te sens me regarder, je pivote et tu es loin grimpée dans un arbre en train de me scruter. Tu souris me voyant m'être retourné et avoir souri de surprise en t'apercevant dans un cerisier, on garde nos positions plusieurs secondes volontaires. Je me sens un peu tout nu à côté des décombres sur le gazon et dans mes pensées, je me rhabille mentalement et je retourne te rejoindre en essayant de compter dans ma tête comme lorsqu'un hypnotiseur nous fait se réveiller. Tu me dis doucement « tu es resté longtemps, je te regardais, tu avais l'air complètement absorbé... je n'ai pas vu, tu regardais quoi ? ». Calmement je te réponds « des souvenirs... le passé, je crois. »

*

Le jour où j'ai compris que mon ADV avait 7 ans.
Ce jour où pour la quarante-millième fois par manque de précaution durant la manipulation elle choque une orthèse biomécanique de bras adaptée sur mon fauteuil, matériel coûtant évidemment la peau de plusieurs culs, ce que j'indique professionnellement à chaque ADV durant la formation. Cette fois-ci l'orthèse tombe par terre et se disjoint violemment en plusieurs parties, la grosse connerie prévisible. L'ADV en ma direction s'exclame d'une voix enfantine doublée d'une nonchalance ado : « mais c'est pas moi, c'est l'orthèse qu'est tombée toute seule ! »
De ces jours - très nombreux dernièrement - où je comprends pourquoi le licenciement a malgré tout été inventé.


(En vrai, ça me lamine.)

Edit: aussi le vinyle mis à tourner... sur un autre vinyle.

*

Il est question que MChat n'a plus qu'une quinzaine de jours à vivre. Avis du médecin, diagnostic d'une hépatite aiguë. La roulette russe à savoir si son organisme va produire ou non des anticorps.
Le Minus ne s'alimente plus et est épuisé dans son corps, dans ses regards. Moi je ne vis plus vraiment autrement qu'en me pré/occupant de lui jour et nuit. J'ai conscience que les trois-quarts des humain-e-s ne peuvent pas concevoir comme je suis profondément ému, que m'allonger à côté de lui exténué et lui parler doucement (ou lui chanter des airs doux) est dernièrement ce qui me fait vite rentrer du boulot autant que ce qui me réveille en stress le matin.
Le Minus semble s'accrocher, il y a ces derniers jours des moments inouïs d'amélioration, puis des rechutes dures comme ce soir. Il y a gavages par seringues toutes les 2h, 2,5 à 5ml d'une mixture que je prépare minutieusement les matins, cherchant continuellement comment l'agrémenter de magie. 5ml (lorsqu'il y parvient) est minuscule, mais c'est un exploit/effort inestimable à chaque fois. Il reste doux, attentionné. Juste avant qu'il tombe malade j'expliquais à Jeanne que personne mieux que lui m'avait fait comprendre ce qu'est aimer : regardé et être regardé.
Je caresse ses petite côtes toutes amaigries en lui disant à l'oreille qu'il peut s'endormir et partir s'il le veut, que je reste à côté, et que s'il souhaite de la force et de la chaleur pour batailler alors je suis là à 300 %. Je pense qu'il n'y a pas dix minutes ces derniers temps sans que je le regarde lorsque je suis à la maison, et quoi qu'il arrive je ne peux que retenir combien il est beau.
 

jeudi 2 mai 2013

Me fais pas chier avec ton jet lag.


Ah ouais « crise existentielle », « moral dans les chaussettes » ? Mais je te l'écris : bouffe les tes chaussettes, branle la un bon coup ta crise. Il n'y a pas de crise existentielle il y a de l'intensité existentielle, eh oui tu ne peux pas te barrer de ton existence ni de son intense prévalence. Alors quoi, tu as peur ? Toi aussi, toi encore, toi comme l'autre, comme les autres. Tu vas stagner, et tu vas te putafier au travail parce que ça ne te surprend plus d'être dégoûtée de ce taf que la société te rit au nez. Tu vaux tellement mieux que ça, tu le sais 1000 fois et tu t'écrases 1000 fois, si je te le dis 1000 fois tu vas fuir 1000 fois pour le regretter 1000 fois. Laisse ta mort à l'aéroport, tu fais chier, elle va venir assez vite pour toi comme pour moi et on a toutes les excuses, tous les mots d'absence justifiés pour vivre maintenant, à mordre le soleil. Viens voir la mer, arrête ta merde, s'il le faut je viens te chercher à la sortie de ton putain de bureau pour décoller tes derbies du lino, te plaquer dans un train et t'emmener foure ici les pieds dans l'eau. 



mercredi 1 mai 2013

Déboutonner.


Cette affiche que j'ai vu collée dans une rue, une A4 avec juste d'écrit en plein : L'AIR DE RIEN. Que je devrais décoller pour lui écrire une grande lettre d'Atemporalité, 
à elle ou à d'autres.
La dernière fois vers la Coulée Verte je lui explique en un de ces monologues d'aspie_rateur ce que je remarque qu'elle ne ramasse jamais de flagrant par terre comparé à ce qu'elle ramasse d'insignifiant avec opiniâtreté, elle se marre émue. 
J'espère secrètement lui faire gagner quelques années supplémentaires de vie si elle rit fréquemment, ça y contribue avec les endorphines. L'air de rien.

Tentative d'ingurgitation novatrice de thé pour caresser des organes foutraques.
Trouvant cela dégueulasse, le dérèglement gustatif n'aidant pas. Mais j'en bois. Puisque comme toute chose dégueulasse je vais progressivement évoluer en adoration. C'est un peu ainsi depuis la naissance, comme j'ai dit à la CoPilot, avoir été bercé par un bourreau ça crée une flexibilité au crade (genre élastique de slip élargi en souplesse sur ventre grossi de bouffe dégueulasse et avachi devant TF1) et une recherche du beau hors du commun.
Quoi qu'il en soit j'ai fichtrement mal au bras depuis sa TS pouce-index. Je fouette les quelques filets de muscles de ne pas capituler, que mAintenant n'est pas maintenant.

Travailler l'écriture comme une chorégraphie d'un carré voulant danser en rond.
Comme une embuscade lente, très lente, presque lascive.
Ne rien refuser à partir de l'improbabilité, ne pas se taper c'te honte de la vie. 
Tailler des idées comme des pipes d'auriculaire, s'enfiler ses propres régiments de « l'espace du dedans » à la Michaux. Jusqu'à épuisement. Il y aura bien le temps de se reposer Après. Mais avant, avant, ouvrir la braguette de sa conscience, arrêter/z de nécroser collectivement ces cervelles qui peuvent tellement jouir, si tant est qu'on sait jouer aux échecs avec les grains de sable de quelques déserts parcourus nu.

Marie Richeux m'a répondu ce jour avoir lu 3 fois ma lettre de 120 grammes océaniques.
C'est très bien 3 fois. Très bon chiffre. Ça semblait diligemment urgent qu'elle me le dise « touchée » tout en ajoutant qu'elle veut m'écrire encore.

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Sinon dans la vraie vie fabriquée j'aperçois de plus en plus de personnes mentionner la notion de validisme, ça me fait un sacré coup de vieux bégayant avec un peu d'absurde. Il y a 10 ans lorsque j'ai commencé à importer cette notion je me suis fait alpaguer d'extrémiste éhonté, d'autant par des handi-e-s que des valides. 
Ce paradoxe que moults assaillant-e-s me renvoyaient au monde des Petits Poneys sans même réaliser qu'il n'y a pas de Zangersheide chez les Petits Poneys, que même les Petits Poneys ont besoin d'une non-mixité pour se ressourcer et ensuite pouvoir prêcher leurs arcs-en-ciel dans la grande société équine.

Ici ça fait plus de 5 ans que mon travail a évolué vers les notions de mixité/s, de pluridisciplinarité/s (et non pas à la sauce gauchos azimuté-e-s qui vénèrent les compilations d'oppressions), transversalité/s, revenant à chuchoter une ligne banale au travers des diagonales.
Cette impression - hélasse - d'avoir toujours un wagon d'avance qui me fout au final un sacré retard de fun. Jo je veux bien monter ce groupe triangle & sitar pour jouir des tympans, Winnie je veux bien continuer à se conter les équilibres en terrains aberrants, et les autres pierres_humaines_précieuses à qui nous pourrions construire un château, de l'air quoi...


Festa dos Tabuleiros.

Depuis la cabine de bus en voyant passer cette nonne portant à la main un sac vert totalement uni, vert flamboyant sur sa robe noire inextinguible, je réalise : cette nonne, comme le prêtre en soutane l'autre fois dans le souterrain de la gare, sont de véritables individu-e-s monochromes. 
Peut-être les derniers monochromes vivants.

(Noter ceci dans une calanque de mon crâne, noter pour n'absolument rien oublier de vivre.)
 

Je quitte l'abri de cette cabine pour aller sous la pluie, glaciale comme pour cryogéniser la moelle qui pourra être sucée en sorbet cet été. L'inconnue à côté de moi dans la cabine se lève me voyant avancer, se ravive confuse en ne constatant aucun bus d'arrivé, se rassoit me regarder aller et rester sous la pluie.
Aller et rester. Ça me plaît.
Aller et rester. Le regard vers le ciel, piste d'atterrissage de gouttes.

Visage diluvien, sourire presque bavé,

je me demande quel temps fait-il à Lisbonne.
Aller et rester dans cette pensée.