mardi 8 juin 2010

« Je peins ce que je vois, pas ce que vous souhaitez que je voie. » Lucian Freud

Ce midi en cherchant l'illustration d'un propos je me suis retrouvé devant une photo de l'atelier de peinture de Lucian Freud. Suis retourné la semaine dernière à Paris voir de nouveau quelques tableaux de son exposition à Beaubourg qui m'avaient marqués à ma première visite d'il y a déjà quelque temps.

Le premier tableau que je souhaitais à tout prix revoir était celui-ci.



Grand tableau d'une des filles de Lucian Freud allongée au pied d'une vaste plante. Il me semble qu'au début je me suis senti mal à l'aise, voyant en premier lieu une gamine allongée sur le sol avec le regard dans le vide. Là il s'agissait de mon point de vue de spectateur qui serait debout à côté de cette fille couchée par terre. Debout devant la toile, un simple spectateur qui peut interpréter à tort et à travers. Ce qui équivaut d'ailleurs à un simple adulte qui se tient définitivement à distance d'un enfant.
Mais j'ai ensuite changé mon point de vue : rentrer dans la toile, s'immerger dans la vie intérieure du tableau. Ici en prenant le point de vue de la fille, à regarder la plante qui s'élève vers la lumière, jouant longtemps de cette lumière de façon sûrement impressionnante si on se trouve au pied de la plante. J'avais alors envie de m'allonger moi aussi contre ce pot près de la baie vitrée, et de regarder un ciel de feuilles multivertes. Me suis senti apaisé, probablement aussi avec un regard prétendument « dans le vide ».


Le deuxième tableau que je voulais également retrouver est ce lavabo d'où se reflète pour Lucian Freud deux lutteurs japonais.


Le lavabo me fascine complètement car évidemment il y a ce double écoulement d'eau... Le rendu me paraît photographique, voire même cinématographique tellement l'impression de regarder et entendre l'eau couler.
Suis extrêmement sensible au(x) froid(s), et ici au premier regard du tableau j'ai froid : la faïence, les tuyaux de robinetterie, le miroir sont des matières fraîches ou froides que je n'aime pas toucher. De plus le reflet des lutteurs nus accentue ma sensation d'avoir froid.
Mais il y a l'eau qui agit comme un étrange régulateur thermique dans n'importe quelle circonstance : bien que préférant bien sûr être en contact avec de l'eau chaude, si je regarde de l'eau mon esprit au premier abord ne conçoit ni de chaud ni de froid, l'eau est pour moi neutre au sens thermique, et il me semble que c'est une des raisons pour lesquelles cet élément m'apaise.



Ensuite, ce tableau des deux hommes m'emplit de sensations.


Tout d'abord la perspective me donne l'impression d'une confusion entre pesanteur et apesanteur. Presque debout, presque allongés, ou bien flottant au plafond.


Lucian Freud peint beaucoup de portraits de personnages endormis, j'adore regarder les gens lorsqu'ils dorment. C'est le seul moment où je sais que l'autre ne me regarde/attend pas autant que ne joue aucun rôle, et donc je me sens pleinement libre de parcourir les innombrables détails du corps qui me fascinent ; pendant très longtemps. Quelqu'un-e d'endormi-e me paraît bien souvent plus « vrai-e » qu'éveillé-e.

Les deux positions de sommeil de ces hommes correspondent aux deux seules positions que je peux prendre lorsque je dors, sur le côté avec la jambe gauche de pliée, puis sur le dos les mains posées sur mon torse. De plus, pour des raisons de capacités musculaires, je ne peux pas enlacer mes amant-e-s (de mon point de vue, discutable...), et la plupart du temps je m'endors à la façon de l'homme en bleu en posant ma main droite sur une partie du corps de l'amant-e que je souhaite à ma droite.
Ainsi j'aime profondément dans ce tableau les positions de corps, le contact minimal que je trouve très intime, avec notamment ce rapport à l'habillement et à la nudité, qui me parle aussi beaucoup (la nudité ne me dérange pas, j'y ressens peu d'émoi car je pense concevoir très peu de valeurs de pudeur, alors que les habits m'ont toujours paru des éléments fortement érotiques).


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