Ce matin l'assistante qui m'aide à m'habiller a dû à un moment activer un contacteur de mon fauteuil pour incliner le dossier en avant. Ce contacteur a deux possibilités de pression suivant l'inclinaison arrière ou avant. L'activation qu'elle a impulsé au contacteur a produit l'effet inverse que celui voulu, le dossier s'est incliné en arrière. L'assistante s'est exclamée alors que le contacteur est mal conçu, que « ce n'est pas logique ».
« Ce n'est pas logique ». Je ne le ressens pas ainsi.
Et je me suis mis à penser à tout plein de choses par rapport à cette idée de logique : un échange très intéressant avec WaveGirl sur « le sens commun », le devoir-être logique que des gens attendent de moi, mais cette logique qui ne me parle pas, qui ne constitue rien en moi...
« Ce n'est pas logique », pour l'assistante, de ce que je comprends : le contacteur devrait être poussé en arrière pour incliner le dossier en arrière, et être poussé en avant pour l'inclinaison en avant ; ce qui n'est pas le cas puisqu'il s'agit de l'inverse.
Pour autant je ne considère pas que ce contacteur soit logique ou illogique. Il fonctionne, il a toujours fonctionné de cette façon, ce qui a eu effet de toujours dérouter mes assistant-e-s, là où je reste surpris d'entendre à chaque fois dire que ce contacteur n'est pas « comme il faut ». Il suffit de l'utiliser une fois pour apprendre à le connaître, à comprendre son fonctionnement, rien de plus. Quelque part ce contacteur n'impose ni ne réclame aucune logique.
Imposer, réclamer. Il ne s'agit que du bouton d'une machine, mais de toute évidence le monde entier ne cesse d'être prédéfini par des logiques, des « comme il faut ». Je n'y perçois que de la pâte à modeler fondue.
Je veux apprendre comment les faits de la vie *sont*, c'est-à-dire par leur spontanéité, leur volonté, le sens par lequel ils sont inspirés, leurs énergies d'existence. Je ne découvre pas selon des logiques. J'ai conscience que les faits créent des structures, que je perçois en pâte à modeler, c'est-à-dire que ces structures peuvent se faire et se défaire. Cette complexité me plaît, car il y a multitude de connexions-créations.
(Et pour autant c'est notamment je crois mon dilemme avec le langage, les mots, ou plutôt la syntaxe : qu'elle soit rigide a tendance à me rendre muet, qu'elle soit fluide a tendance à me rendre silencieux... « Sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence » à la Wittgenstein ?)
L'absurde m'est toujours apparu comme la plus délicieuse des curiosités. L'imprévisible aiguise ma lucidité, alors que la logique me figent dans une angoisse sourde, le fameux « bon sens » coule une chape de plomb sur ma vitalité. Comme si les étoiles étaient remplacées par des néons.
La réalité est multiple, infinie, intime, sensible ; elle s'observe, elle s'écoute, elle se partage (créant des relations équilibrées d'indépendance et de dépendance). La réalité ne se corrige pas, elle n'est ni fausse ni vraie, sa soit-disante régulation socialisante ne peut être qu'une illusion. Il me semble que pour beaucoup de gens cette illusion se veut information, « rassuration »... information informe, standardisation de l'acte d'être rassuré.
Alors je préfère nettement que vivre soit une folie plutôt qu'une ingénierie.
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