jeudi 8 octobre 2015

Faillir.


« Ils disent qu'il suffit d'oublier un peu. Que tous mes gestes  ne rappellent pas inévitablement la maladie, que ma vie n'est pas faite  que de ça. C'est vrai, en représentation, en public, je l'oublie. [...] Je joue sans faille mon rôle social. Il le faut. Sinon personne ne me supporterait plus. »

-- Claire Marin



Les mots des autres, 
lorsque les siens sont obstrués. Ne plus trouver de [parole] commun[e], de [culture/s] réciproque/s. 
Avoir accédé à un des silences les plus profonds, après autant de perte de résonance. Il y a quelques semaines depuis un box d'urgence de CHU, défaillance d'organes diagnostiquée critique. Contre toute attente clinique, être vivant. Contre toute attente biographique, ne plus savoir comment vivre. Comme ça.


« [Le malade] ne parle plus comme les autres. Il ne conjugue plus qu’avec prudence ses phrases au futur. Il est un être du conditionnel. Si je vais bien, si je guéris, si je ne suis pas hospitalisé sont les sous-entendus de chacune de ses phrases. Pas de futur simple. Pas de projection spontanée. L’élan de la pensée, comme celui du corps est freiné par des charges invisibles qui pèsent sur les articulations de sa vie. Les mouvements, comme les espoirs, son plus lents. »

« Patiente. C’est mon statut et l’ordre auquel je dois obéir. C’est un nom, un adjectif et un verbe à l’impératif. Ce qui me caractérise, c’est d’obéir à cet ordre qui m’est sans cesse implicitement rappelé. Patiente. Attends. Attends que la crise passe, attends que la douleur diminue, attends que le sommeil te délivre. Attends que cela fasse de l’effet. Une heure, trois jours, deux semaines. »


-- Claire Marin
"Hors de moi", éd. Allia, 2008




(Demander à la CoPilot si Eros peut réellement accompagner Thanatos. Ne plus y croire, la déroute du vouloir.)

Yvonne Rainer : « The mattress is a very evocative object, [...] evocative of illness and death and sex. »
 
 






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