lundi 1 octobre 2012

La force du tutu.

À croire que la fièvre et les états limites [ma reconnaissance vocale a compris : les États-Unis... ça me plaît] accélèrent de façon étrange-puissante la pensée, la réflexion, les agencements neuronaux internes.
Probablement une soupe insipide pour autrui. Je tente quand même d'écrire un peu à l'encre de soupe.

J'étais ce midi sous la masque du nébulisateur, dans les vapeurs de je ne sais quels produits supposés calmer les brûlures pulmonaires, et ma cervelle a questionné :

< qu'est-ce qui fait que les gens abandonnent leur force quand il y a des importances douces à réaliser ?
> qu'est-ce qui fait que les gens réquisitionnent de la force pour des compromis sordides ?

Je ne sais plus exactement, je crois que je réfléchissais en nuages à mon parcours de vie autant qu'à celui de plein de gens, d'avoir rompu des promesses de joies fondamentales envers soi-même et parallèlement d'avoir courbé l'estime à se rendre esclave à du minimal-joie.
Sucer le métro-boulot-dodo(-socionormopâté) et se laisser diarrher ses envies les plus vives, ceci parfois à longueur de vie. Se conformer à l'idéal publique et se réformer de son propre équilibre vital.
Évidemment une fois de plus ce que j'énonce peut paraître manichéen, j'ai connaissance que le programme 'life' est une perpétuelle transaction.

Je me suis rappelé soudainement d'une scène. Elle m'est revenue avec une teinte étonnamment réaliste.

C'était avec C., le partenaire (un amoureux, un ami, un amant... aucune définition puisque quelqu'un de superbe) avec qui j'ai été terriblement heureux +3 ans.
Je crois que j'ai 25 ans et lui 34. 

Cette scène doit être vers la 2ème année. 
Nous sortons à l'arrière d'un bâtiment sur une passerelle métallique prendre l'air de je ne sais quel événement collectif à Paris, c'est la nuit, il y a toutes les lumières de la ville, il y a cette passerelle offrant du répit, il y a lui et moi contre la rambarde.
C. me dit sans introduction : « j'en ai marre de ne pas être qui je sens être, je n'y arrive plus Charles... j'aimerais faire la mammec j'crois... ». Ladite mammec = mammectomie, une des interventions corporelles possibles dans un parcours transidentitaire, de garçon - ou autres - transgenre.
Je lui dis :
- d'accord. Tu veux vivre cela seul ou tu veux que je sois là ?
- Je n'y arriverai pas.
- Ah tiens. :) Je crois que si. Qu'est-ce qui t'en empêche ?
- Tu sais bien, l'entourage, ma famille, le boulot... Il n'y a qu'avec toi que je peux le vivre.
- Nope, il n'y a qu'avec toi que tu peux le vivre, que tu le fais vivre. Ce que je veux dire : si tu arrives à rendre vivant qui tu es profondément avec moi c'est que tu es déjà vivant de cela, c'est toi qui diffuses la force de qui tu es, je n'y suis pour rien.
- ...
- Tu en as envie ? Uniquement cette question.
- Vraiment.
- Alors ne te concentre que sur ce qui est fondamentalement simple : vis le. Fais le. Je veux bien te dire tous les jours que c'est possible, autant que je peux me taire tous les jours si tu veux. :)
- [sourit] Tu me fait déjà réaliser tous les jours ce qui est possible.
- Pas parce que moi mais parce que ça l'est, possible, C. La force qu'il y a en toi je t'assure qu'elle est un maximum à côté de tout ce que tu crains. Tu te décides quand tu veux, dans 6 mois ou dans 10 ans, mais cette force elle sera toujours là prête pour toi.
Il me regarde avec des feux d'artifice de force dans les yeux, démentiellement beau. Et me prend dans ses bras pour dire à l'oreille qu'il m'aime. Je rigole en lui disant « ça veux dire que demain je cherche les coordonnées d'un chirurgien, c'est ça ? »

Quelques mois plus tard la mammectomie sera effectuée. 

Il y aura eu au final à peine de doutes, aucune difficulté majeure, beaucoup de joie, autant de dialogues que nécessaire, un sacré paquet de rires, de la douceur érotique autour de cicatrices, et un gars super heureux et regonflé à juste titre d'une belle estime de lui-même.

Il y en a des milliards d'histoires comme cela sur Terre.
Autant qu'il y en a des milliards qui ne se vivent pas, les envies dans un sac plastique Lidl et la joie en asphyxie mondaine.
Je ne considère pas la volonté de son propre équilibre comme devant être anarchique, envers et contre tout le monde, mais je suis persuadé que l'activation des forces intimes permettrait que les gens dansent entre eux un bien meilleur équilibre. L'anarchie serait un ballet modern-jazz, et j'aurais une belle plume dans le cul.


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