{ en écoute : « Psycho Killer », Talking Heads }
L'impression de vivre à la vitesse de la lumière & de l'obscurité, de parcourir des milliards de kilomètres dans un millimètre.
Pourtant, le temps : ce Rubik's Cube que je tourne depuis longtemps dans tous les sens et bien souvent avec angoisse... Eh bien je comprends seulement en ce moment ce que j'ai oublié de regarder en le manipulant : ses facettes de couleur clignotent sans cesse, avec une vivacité d'étincelles. Peut-être qu'il ne s'agit pas de trouver les bonnes combinaisons, que j'ai trop cherché jusqu'à présent à faire fonctionner le Rubik's Cube sans remarquer sous mes doigts que le bleu devient orange qui devient vert qui devient blanc qui devient jaune qui devient rouge...
L'ai vu clignoter notamment aujourd'hui.
Les joies et les tristesses tournoient à vive allure ces derniers mois. Aujourd'hui, juste avant de sortir dehors plonger sous le soleil, un mail du spécialiste pneumologue qui m'informe que les résultats de ma dernière oxymétrie nocturne présentent « des événements obstructifs ».
Événements obstructifs, d'accord d'accord, mauvaise nouvelle, d'accord d'accord. Je ferme l'ordinateur comme un geste amnésique, l'embarque dans le sac à dos, direction la rue et le surf urbain. D'accord d'accord, le soleil enfin sur ma peau, c'est tout ce que je veux sentir maintenant.
En ce moment ce qui fonctionne bien lorsque l'esprit est confus : s'engouffrer dans une bibliothèque, se caler au creux d'une forteresse de livres, et travailler. Focus.
Aujourd'hui je commence par travailler à mon journal universitaire de recherche, qui est comme une immense forêt avec d'innombrables arbres, fleurs et personnages-animaux. À chaque fois c'est pareil : je décide de travailler sur un territoire de la forêt, mais je ne peux pas m'empêcher de m'enfoncer plus loin, de zoomer sur des feuilles, des brindilles, des empreintes dans la terre. Je me suis demandé une fois de plus aujourd'hui comment mon prof va parvenir à se promener dans ce journal de recherche lorsque je vais le lui rendre... (D'autres peuvent-ils parvenir à suivre mes promenades ?)
Alors au bout de deux heures dans ce journal forestier, je me dis que je m'éparpille peut-être encore trop et qu'il serait préférable de travailler plutôt le compte-rendu de prises de notes d'une dizaine de conférences. Que ce sera comme un puzzle, et que je ne pourrai pas m'évader au-delà des pièces du puzzle. Et tout compte fait je trouve la tâche difficile : les notes sont vastes, il y a beaucoup d'intervenant-e-s et donc de concepts, j'ai du mal à structurer quelque chose. Structurer ==> comme pour le Rubik's Cube, je veux que ça fonctionne. Mais ça ne fonctionne pas. Alors je décide de réfléchir autrement. Je relis les notes et laisse des mots apparaître, s'évaporer :
structure
temps
limites
force
passion
et j'y vois des couleurs :
structure
temps
limites
force
passion
puis je me remets à parcourir les pages de notes, mais cette fois-ci à une vitesse de défilement nettement supérieure où je ne fais que surligner ces couleurs-idées à des phrases. Les notes se colorient à une cadence d'autoroute, et plus les couleurs-idées remplissent les pages, mieux je saisis l'architecture du compte-rendu à rédiger, son paysage.
Sur l'autoroute de ces mots devenus électriques de couleurs et de mouvements, j'entrevois les clignotements du Rubik's Cube.
Je ne dois plus chercher à fonctionner, mais à saisir les moindres étincelles que mon existence produit et rencontre.
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