dimanche 2 janvier 2011
Alter-pistes.
Être multi-pistes.
Compris cela il y a quelques jours dans le bus. Mon cerveau est constitué d'une telle façon (?) qu'automatiquement il capte *tous* les stimulus sonores. Comme si dans un bus mes oreilles se déplaçaient partout dans le bus, ai réalisé qu'étais « involontairement attentif » à une dizaine de bruits/sons/discussions en même temps, mais sans pour autant que ceux-ci surchargent particulièrement l'espace sonore.
Je capte comme mécaniquement de la simultanéité sonore : les freins à gaz du bus, la fermeture éclair du sac à dos qu'actionne une personne derrière moi, le vibreur du téléphone portable de quelqu'un, la monnaie qui tombe par terre d'une poche d'une passagère, les bruits du trafic routier à l'extérieur, les discussions d'inconnu-e-s...
Et c'est souvent pareil avec beaucoup d'aspects de ma vie, indéniablement multi-pistes.
Parfois exaltant. Régulièrement catastrophique.
Énergisant autant qu'épuisant.
Un automatisme que je remarque seulement tardivement.
Par exemple dans la même idée, je travaille rarement sur une seule chose à la fois, lorsque je lis un article il est fort probable que je prenne des notes en même temps mais concernant un autre article lu précédemment, qu'immédiatement après je fasse une recherche, puis que je poursuive la lecture de l'article tout en écoutant « d'une oreille » (en ai combien ?) une conférence et en mixant la lecture à quelques mails pro.
Lorsque j'ouvre Internet, mon premier réflexe est d'ouvrir une petite dizaine d'onglets, je les parcours tous comme si je jonglais adroitement, avec un cerveau en snapshot.
Tout cela dans une bulle très particulière, bulle dont la paroi serait comme électrisée ; si quelqu'un-e d'autre qu'intime/prévenant-e vient toucher cette paroi, je me sens immédiatement agressé, électrifié.
J'essaie de faire beaucoup d'efforts là-dessus, mais je crois que le meilleur que je puisse faire est de clairement/posément indiquer aux autres qu'il ne faut pas chercher à interagir avec moi dans ces moments-là.
Je me rappelle qu'au lycée quelques ami-e-s s'amusaient à évaluer comment j'entendais quiconque arriver hors de mon champ visuel, et ce quoi que je fasse, même si j'étais en train de discuter ou bien d'être plongé dans une lecture. Ce qu'une de ces personnes m'avait fait remarquer : en plus d'entendre n'importe quand quelqu'un-e surgir, la plupart du temps je reconnais à qui appartient le pas, le son des gestes m'est très précis.
J'ai souvent pensé jusqu'à présent que mon handicap physique engendrait une immobilité qui me rendait de fait extrêmement attentif à l'environnement. Il y a peut-être de cela, mais de toute évidence j'ai une autre disposition. Me suis dit cela dernièrement en observant les chats : quelque chose d'animal, d'un éveil permanent.
J'aimerais pouvoir créer une vie à chaque piste.
J'aimerais aussi ne pas perdre la patience et/ou la compréhension de personnes entre chaque piste. Et pour cela il faut que je communique à chaque inter-pistes, que j'explique, que je rassure... Ce qui s'avère le plus difficile, temporiser un espace relationnel alors que des dizaines de pistes se mettent en relation en moi.
Forme schizoïde ? Peut-être. Frénésie d'instabilité existentielle ? Je ne pense pas. Et quelque part peu importe. Parce que si j'enlève l'épuisement mental qui peut s'agglutiner en angoisse terrifiante, et les blessures à autruis que j'occasionne (non sans me perturber profondément et à vie), je bouillonne d'énergies qui me portent sans cesse. Chaque piste est une étoile, et je vis en constellation.
L'angoisse épuisante, j'apprends de mieux en mieux à la gérer. Et la gestion est d'autant plus possible si les personnes qui m'entourent sont ces rares humain-e-s qui privilégient ce qui est possible - repérer les constellations - plutôt que ce qui ne l'est pas.
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