lundi 22 mars 2010

la couleur de l'ombre

J'ai 30 ans et je crois que je suis seulement en train de regarder mon enfance.
Comme si j'en suis parti le plus tôt et le plus loin possible pour survivre, ai tracé tracé tracé une ligne d'éloignement, en sentant toujours cette enfance dans mon dos. Et maintenant que je semble assez loin, qu'il n'y a peut-être plus non plus beaucoup de route devant, je me retourne et je regarde. Je stoppe ma course aussi parce que je suis haletant, je ne parviens plus à respirer.
Je regarde en ayant les poings serrés.
Le ventre qui se tord.
Et rarissime, de la colère, tellement de colère.

Je ne veux pas, je ne veux plus de cette enfance.
Envie de le crier ces derniers temps. Le cri le plus silencieux en moi.
Je ne veux plus les souvenirs-cauchemars stroboscopiques, je ne veux plus les peurs acides qui m'ont forgé, je ne veux plus les douleurs qui me hantent. Je ne veux plus de ces empreintes de corps, je veux être sourd aux cris, je veux être transparent aux regards, insaisissable aux intentions.

Aujourd'hui, la CoPilot dit : « vous vous êtes enfui de l'enfance avec le maximum de protections essentielles, mais maintenant peut-être que ces protections vous empêchent d'avancer »,
je lui réponds : « il est possible de marcher, d'avancer avec un bouclier, c'est mobile un bouclier »,
elle sourit, puis répond : « oui c'est mobile pour vous, mais avec ce bouclier comment les autres peuvent eux vous atteindre ? ».
Les autres.
Les autres. Je me vois poser lentement le bouclier. Et dans la foule des « autres », je sens rapidement la peur que quelqu'un-e surgisse pour m'atteindre violemment. Je suis terrifié dans le corps, la peau, je suis terrifié dans l'âme.
Le bouclier est toujours posé par terre à côté de moi. Je ferme les yeux. J'entends un violoncelle de Bach, je vois le bleu de Klein, j'observe les vagues d'une mer. Des ondes qui me rassurent.
Les autres, je ne sais pas.
Les autres, j'aimerais bien souvent y croire.
Mais je comprends maintenant que ma toute première rencontre avec autrui n'a été ni douce, ni rassurante. Et que j'ai dû apprendre à me défendre, que je connais probablement plus les réflexes de survie que les réflexes tendres.

Est-ce que les autres, ou ne serait-ce qu'un-e seul-e autre, peut devenir - être - un violoncelle, du bleu, une vague ?

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