vendredi 28 février 2014

Sonrisa.


Nous sommes dans le bus avec Izlé, dans cette carcasse urbaine cinétique que j'aime tant. Le mouvement me permet souvent de faire abstraction du condensé humain, je me plaque contre la vitre laissant la masse des voyageur-euse-s derrière moi, me laissant aller entre elle et le paysage vitré. Ce soir-là il y a Izlé entre les deux, me tenant la main, adossée à la vitre et alors me toublant le choix du paysage que je souhaite opter entre son premier plan et le second plan de la rue.
Elle gagne évidemment mon attention, de sa présence caressant mes trajectoires d'ordinaire solitaires ou isolées. Il y a un magnétisme en cette fille que le monde a forcément cherché depuis toujours à qualifier, à comprendre, mais s'en est résolu modestement à céder les qualificatifs pour juste ressentir, éprouver.

Mon attention s'amplifie lorsque je la vois sourire le regard au-delà de moi. Les sourires d'Izlé ont quelque chose au ralenti, quelque chose d'ici - intensément - mais qu'elle semble aller puiser dans le lointain, dans une contrée qui ne l'a pas accueillie depuis longtemps. Il y a ce 'longtemps' dans ses sourires, elle parcourt un long chemin et il est possible de voir dans le sillon de ses lèvres la traversée (ou l'exode) qu'elle a effectuée. Ça remplit d'humilité, et si son sourire vous est destiné par son regard alors ça remplit de générosité.
J'évite d'entrer dans la tête des gens en leur demandant « pourquoi tu souris ? à quoi tu penses ? », surtout d'elle dont j'ai envie de savoir tellement de choses. Puis la regarder ainsi sourire ailleurs me suffit, je n'y suis pour rien et je trouve cela précieux d'observer comment elle sourit au/du monde. Observation émue que je tente la plus discrète possible pour ne pas déranger sa joie anonyme. Sans me regarder, toujours souriante mais toutefois s'adressant à moi, elle dit comme une ellipse poétique : « cette petite fille qui s'endort sur sa mère... ». Je ne peux pas visualiser ce qu'il se passe derrière moi, mais j'aime tellement me figurer les personnes qui s'endorment que je souris aussi. Elle complète : que c'est une gamine qui est en train de s'endormir debout contre sa mère, qui parvient dans ce capharnaüm roulant à tenir une position debout endormie. Je comprends que le sourire soit imperturbable.

Je devrais peut-être à ce moment lui dire que parvenir à s'émerveiller de ce genre de scènes magiques, de photographies quotidiennes, la rend pleinement vivante à mon âme. Je ne lui dis rien, j'enfile l'émotion dans mon sang qu'elle sentira peut-être dans ma main.
Je repense depuis souvent à cet instant, il y a une petite fille qui a permis de rendre compte un peu plus de la beauté d'une grande fille. C'est à vrai dire à la petite fille que j'aimerais raconter tout ce qui me bouleverse de la grande fille, lui racontant entre autres que regarder la grande fille dormir le matin de cette journée-là valait tous les repos du monde.












Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire