W. avait relativement raison (relativement = cf mon orgueil ;)) que la pratique de salles de sport peut faire partie d'un rapport addictif, du genre : ce n'est pas la fiesta dans ma vie bien maquillée, j'ai évité le suicide raté, j'ai arrêté de cloper sans boursoufler physiologiquement, je ne me branle plus que 3 fois par jour en me concentrant sur Nietzsche... je n'ai qu'à me défoncer en cardio-training dans un hangar surpeuplé.
Sauf que.
Il y a toujours du rigolo dans les basses trivialités. Si si, presque une raison de vivre chez moi.
Le directeur de cette salle de sports, déjà. Un inquiétant morphing entre Franck Dubosc et ce que j'imagine d'un chanteur finlandais pour jeunes adolescentes. Je ne sais pas si c'est son hétérosexualité primaire ou son autodafé intellectuel qui est remarquable à la première seconde.
Mon premier jour il se la joue évidemment très cérémonieuse pour m'accueillir, il tient fièrement à m'escorter jusqu'à mon minuscule pédalier. Il s'adresse à la coach fitness du jour tout en parlant de moi ainsi : « Bah ouais t'vois c'est trop important pour lui de venir ici, en dehors du prétexte du sport [con démesuré] il s'agit aussi de se socialiser [espèce de demeuré en voie-de-disparition-j'espère], et puis cette machine spécialisée ça lui permet de... ça lui permet... de... », me regardant :
- Hein ça vous fait du bien ?!
- Oui oui... [j'hésite à baver]
- Et puis j'imagine que si vous en faites beaucoup ça peut peut-être vous permettre de... de...
- [ahaaahh] ... De ?
- Ben je veux dire, peut-être que vous... [me scanne de la tête aux baskets, limite nauséeux]
- Hmm ?
- Euh vos jambes, tout ça... peut-être que vous pourriez...
- Me mettre à marcher ?
- OUIIII ! [je présume : son premier orgasme sans les mains]
- Ah... [je feins le sourire d'espoir quelques secondes, il quasi chiale... puis j'affiche un visage mi-ferme mi-exultant] Bah non.
Là ce fut le profond vide neuronal pour lui.
Ensuite il y a le coach avec un prénom de littoral ouest américain, jeune & viandifié corporellement, à croire que sa mère a accouché en courant sur un treadmill. Lui évidemment il veut tout de suite m'aimer, ou plutôt il est persuadé que je vais l'aimer.
Il m'accueille :
- Bon tu me fais signe quand tu sors des vestiaires, je t'accompagnerai jusqu'à ta machine.
- Euh... [n'y compte surtout pas, et genre tu me tutoies comme si on avait échangé nos doigts dans nos anus ?]
Évidemment je surveille à la sortie des vestiaires qu'il ne soit pas dans les parages, je fonce solo vers mon pédalier. Sauf qu'il apparaît fringant lorsque je commence à m'installer :
- Ah mais attends je vais t'expliquer comment fonctionne cette machine ! [sourire nucléaire-bright]
- Non non mais merci, ça va, je connais.
- Ah tu connais ? Bon... En tout cas je trouve cela génial que le centre ait décidé d'acheter cette machine adaptée, hein.
- Euuuh ouais, surtout que cette machine c'est la...
- Hey mais t'es sûr que tu ne veux pas que je t'explique !
- Je pense que ça devrait aller puisque c'est ma...
- Tu sais vraiment t'en servir ?
- En fait, hop, écoutez : c'est la mienne.
- ... Quoi ?
- C'est mon pédalier. C'est moi qui ai proposé à votre centre de l'installer ici, notamment pour que d'autres handi-e-s puissent en profiter puisqu'aucune salle de sports en France n'aurait ce réflexe.
- Wooaaahh... [là il a 14 ans]
Je commence à pédaler en installant mon lecteur mp3. Sauf qu'il ne bouge pas, il me regarde avec ses petits yeux de nourrisson sous weed. Je lui dis du fond de ma mâchoire :
- Vous n'allez pas rester comme ça à me regarder faire mon sport ?!
- Ah, ça te gêne ?
- Oui carrément.
- Bah alors juste les premières minutes. Je veux voir comment tu fais.
Et il reste planté, les jambes écartées sur le tabouret de bar comme si son existence s'imposait irrémédiablement entre ses cuisses. J'ai une compilation de meurtres sauvages et novateurs qui défilent en cinémascope dans mon esprit.
Il essaie de me dire un truc, j'indique « Ah désolé je ne vous entends pas avec la musique... » Il part en tentant de garder l'air cool, en somme la tendance de sa vie.
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Oh putain c'est épique. Une des raisons pour lesquelles je ne parviens pas à me motiver à aller en salle.. ce genre d'énergumène qui se sentira en droit de t'expliquer comment masculiniser ton corps de tafiole, voire qui se sentira investi d'une Mission Supérieure de Salvation de ton corps de crevette atrophiée.... Haha... Type qui se gargarisera de t'apprendre plein de SUPAIRE TECNIKS pour muscler ton corps et le faire doubler de volume comme un pop corn (tout autant rempli d'air d'ailleurs), alors même que tu sais qu'il te dit connerie sur connerie... (n'empêche un jour j'aimerais essayé, juste pour le plaisir un brin sadique de sortir : "ha mais non non je sais comment faire de la muscu, ma soeur est kiné, ce que vous me montrez c'est de la merde soooo.... get looooooost (you piece of sh... meat...)"
RépondreSupprimerxD Tu sais que tu pourrais écrire un livre ? Avec tout plein d'anecdotes aussi marrantes que gerbantes - ou les deux à la fois en fait - qui feraient réfléchir les abrutis ? (et les moins abrutis aussi).
Hey rien à voir, je doute que ce soit ton trip, mais entre petites pédales on sait jamais, tu connais Jonny McGovern ?
http://www.youtube.com/watch?v=9Y_2snD9nrY
(les mecs sont des moches-Tétuesques mais les paroles sont drôles xD)
Bah écoute cette vidéo me ravit. :)
SupprimerMême que je n'ai rien contre tes moches-têtuesques, aucune limite à la chair, très cher.
Et moi je dis que je vais arriver à vous convaincre toi et K., qu'on va se faire un pire crew tafioles gringalettes en shorts nylon pétants, extrem cute, et ça ne pourra pas nous faire de mal (sauf les premiers jours, vous allez chialer des fessiers les gosses).
En vrai les coachs tu les gères quelques minutes, ils/elles sont neuneux mais ça va, il n'y a pas de frime. Et la clientèle je ne la trouve pas pénible jusqu'à présent, voire même pas de regards condescendants ou charitables ; je me dis que les 3/4 des gens ont la même mésestime de leur corps. (Du coup ahah lorsqu'ils/elles voient le mini-tétraplégique entrer ça doit soudainement sacrément les rassurer sur leur potentiel physique !)
Après c'est vrai que moi je vais vers ma machine, je fous ma musique, je me défonce, et je ne regarde pas les autres. Alors peut-être que je rate tout plein de scrutations reloues, mais je m'en fous grandement. Je suis là pour moi, pas pour les autres (sans pour autant d'irrespect pour les autres).
Alleeeeezzz.
cx
Hum, on les attrape et on en fait du barbeuc' ?
RépondreSupprimerNote que sans eux, on n'aurait pas ce superbe article, j'ai bien ris des descriptions que tu as dressées. :D
Exactement, la connerie humaine est un bon fumier pour faire pousser de meilleures attitudes ; je tiens cela de mon grand-père. :)
RépondreSupprimerEt puis ces personnages ne sont pas hideux, le sport n'est pas encore monté au-delà de leur bulbe rachidien mais vivre jusqu'à 90 ans (pour les valides) ça doit être justement afin d'atteindre cet athlétisme. Hmm.
cx