jeudi 15 août 2013

Karma kermesse.


Jeanne me lâche d'ici peu parce que n'ai pas de bite intégrée ; que je sois un gars - « beau » - pour elle, oui, mais un trans, non. (Si elle le dit.)

Viens d'avoir 34 ans, tout rentre parfaitement dans le désordre.
Indéfectible défécation existentielle. Bouddhisme d'intestin grêle.

Le couple de voisines me laissent des mots manuscrits dans ma boîte aux lettres, félicitant le mini potager que j'ai repris et le jardinet entretenu à la va-vite, m'invitant à venir passer un moment dans leur patio. Je leur dépose une lettre leur expliquant que je suis un ours, inoffensif mais peu enclin à lier contact avec d'autres humanoïdes. Alors que je peux en avoir envie, juste je n'y crois plus.
Je reçois excuses désolées sur excuses consternées de personnes pour les violences insensées dégoulinées dans les raies des fesses du passé, pour la perte de l'amitié/amour désormais regrettée. La pomme d'Adam grossira en triangle saillant à force que je déglutisse autant d'absurdités. À vrai vrai dire j'en deviens moi complètement absurde.

Au taf les vieux-vieilles s'étonnent que je ne parte pas « en vacances ». Ne pas leur dire que pour moi des vacances ce sont des accueils humains, trouver l'Islande et la Sardaigne en quelqu'un-e est le type de voyages que je souhaite.
Les estivales où tout le monde - ayant du fric - veut s'évader (J. dit partir « en fuyance  ») en même temps, conglomération de fun. Pendant que l'autonomie de ces vieux-vieilles est larguée, sous-effectif vacancier autorisé, ils-elles attendront bien septembre pour revivre... Un client me demande de vérifier chaque semaine sa boîte mails, il ne reçoit plus rien depuis l'été, ses correspondant-e-s sont « en vacances », je lui dis en aguichant le sourire « hey c'est un peu mort l'été ! », il a les larmes aux yeux en baissant la tête afin que je ne le regarde pas, je me sens un con. Je suis un con.

La vie c'est un peu comme s'il y aurait plein de gens qui en chient et plein d'autres gens qui leur chient dessus. [Manichéisme de jour férié.]
Toutes les nuits depuis quelques temps je suis brusquement réveillé par une sorte de crissement hurlant dans les oreilles + le rythme cardiaque qui explose douloureusement dans le thorax et le crâne. Ça commence à me donner l'impression de rater de crever aussi.
Mon entourage ne peut pas être inquiet, je souris indéfectiblement. N'est-ce pas.

lundi 12 août 2013

Tampax en bouche.


Fin d'après-midi banal, banalité de caveau à devoir faire des courses uniquement pour soi-même dans l'igloo capitaliste du quartier appelé supermarché.
Il y a une véritable sociologie du supermarché (par tranches horaires, par jours), il est possible d'y profiler la vie d'inconnu-e-s croisé-e-s. Me rassurant fréquemment de détecter les autres trentenaires célibataires, bien que je mets un point d'honneur à éviter de les croiser dans le rayon des plats tout faits, avouant qu'il m'arrive de tomber dans les tréfonds de la solitaire soirée à mono-barquette censée déployer du bonheur éro-buccal via un micro-ondes que je n'ai même pas.


Ce jour-là je retiens deux individus. Deux gars.
La binarité n'est pas mon fort, si ce n'est que je déplore sûrement ad vitam aeternam qu'en matière de masculinité je maintiens deux attitudes : soit je déteste des types, soit je les adore. J'ai à ce sujet licencié le PPP (Petit Psychiatre Pervers) à l'intérieur de mon crâne, à ne plus vouloir me demander quel serait « mon problème », résolu de toute façon apparemment aussi ad vitam aeternam à être bien moins divisé par la gente féminine.


Le premier gars serait celui que je déteste. L'imprégnation de la haine est tout de même bénéfique pour me concentrer à le photographier mentalement. Je le regarde & le regarde, il est à la fin de ma caisse, son ami est en train de ranger et payer. De lui j'ai l'impression de ne voir que sa bouche, il mange en même temps qu'il parle et s'esclaffe, aucun délit à cela, si ce n'est qu'il articule ces actions avec une sorte d'art du dégoûtant.
Il mange avec cette hâte qu'ont fréquemment les mecs, ce truc d'enfourner très très vite pour être satisfait très très vite. Je regarde les morceaux de pain qu'il enfonce avec ses doigts sur sa langue, il garde la bouche grande ouverte tout en mâchant, comme une usine intensive qui ne doit pas s'arrêter, qui ne fabrique plus mais produit. Il peut avoir très faim, me dis-je, mais à l'observer j'ai juste l'impression que sa façon de manger est toujours ainsi, massivement sans savourer. Je regarde sa bouche béante, ses doigts, l'aperçu de sa langue et ses dents, j'ai cette impression qu'il bouffe le monde en même temps, qu'il avale le décor autour de lui.
Cette impression de débordement sûrement car il occupe l'espace également en parlant et se marrant fort, quelque chose de gargantuesque, une présence au monde ventripotente. Le monde en lui, le monde hors lui, tout est pareil pour lui ; son nombril comme sa bouche. La jeune caissière qui galère n'est probablement qu'un robot - ou une poupée gonflable - au maintien de son monde, même son pote qui s'active pour empaqueter leurs courses ne semble pas lui être plus important que sa mastication existentielle. Je me dis le classique : le pire est qu'il a l'air plus heureux que moi ce type.
Je ferme la bouche en passant à la caisse.


Le deuxième gars ne saura jamais à quel point de stupidité j'ai eu envie de le prendre dans mes bras autant que de lui proposer d'aller boire un coup pour qu'il me raconte ce qu'est sa vie. J'ai eu plus de mal à pouvoir l'observer, même si j'ai distendu le temps au maximum, faire d'un moment de vie un mode Bulb au beau (moche) milieu d'un Intermarché.
Il était planté devant le rayon des serviettes et tampons hygiéniques. Enfin ce n'est plus tant un rayon mais un mur, large et plus haut que ce gars. Lui il s'est reculé au maximum dans le couloir étriqué pour pouvoir élargir son champ de vision. Et de cette vision je reconnais son regard, le regard déboussolé du garçon devant la montagne de produits outre-monde, « bordel bordel bordel mais qu'est-ce que je dois ramener... ».
Sauf que son expression ne présente ni dégoût, ni blase, ni affolement irresponsable. Non, il semble investi et téméraire (probablement amoureux aussi, ou alors un divin colocataire), tout petit devant un Tetris de paquets violets, roses, jaunes et autres fluorescences alarmantes. Il m'apparaît aussi penaud qu'enraciné à faire le bon choix, le choix du siècle, ramener l'équation du meilleur niveau de gouttes absorbantes avec la matière en contact la plus révolutionnaire du soyeux. Il ne peut pas comprendre mais assurément il cherche à comprendre, réalisant que son humanité peut se retrouver immigrée. Ramener le paquet royal des menstruations, la MagicBox rendant des ovaires heureuses, tel le premier homme à avoir marché sur l'Iconnu.
Je passe à côté de lui, je m'arrête, avec l'envie de plein de phrases aussi débiles les unes que les autres : « bon courage... », « vous voulez de l'aide ? », « quelles informations vous a-t-elle donné et que vous ne retrouvez pas ? ». À éviter immédiatement « je vous trouve beau là ». Je me demande à vrai dire si c'est la première fois ou la quinzième fois de sa vie qu'il se retrouve ainsi. Moi c'est la première fois que je le vois et je ne l'oublierai pas.
 

dimanche 4 août 2013

Cerf.





350 kilomètres moins 18 centimètres.
Je retiens quelques injures épicènes.
Je chéris l'opiniâtreté des chevaliers.
Et je coiffe une petite raie à MChat.
Aponi moutarde, quoi qu'il en soit.
Plus Abdullah Ibrahim en hamac de tympans.



Samantha French
"Up from below"